Antoine F. Goetschel : «Mes clients sont des chiens et des vaches» .
Désigner un avocat des animaux dans tous les cantons sur le modèle zurichois, c'est l'enjeu de la votation du 7 mars. Le peuple se prononcera sur l'initiative populaire de la Protection suisse des animaux 18 ans après la création de ce poste à Zurich. Antoine F. Goetschel est le troisième avocat nommé à ce poste par le Conseil d'Etat. L'an dernier, il a assuré la défense de 190 clients. Dans le même temps, une seule procédure a abouti en Valais. Preuve que les animaux ne sont pas tous égaux devant la loi.
Seul avocat des animaux, vous êtes la star de la votation du 7 mars, non?
C'est une votation, pas une élection! Disons que je suis la référence.
Qui sont vos principaux clients?
Les chiens, loin devant les vaches, les chats et les porcs. Un poisson, c'est très rare. Et je défends parfois le pensionnaire d'un zoo ou d'un cirque.
Ces clients, vous les rencontrez?
Je ne vois que les photos ou les vidéos, et je consulte les procès-verbaux. Ce sont les offices vétérinaires, les policiers ou les inspecteurs d'une organisation pour la protection des animaux qui effectuent les contrôles sur le terrain.
Défendre un humain ou un animal, en quoi est-ce différent?
Le système juridique est le même dans les deux cas. Sauf qu'il n'y a pratiquement pas de juridiction pour les animaux: impossible de se référer au Tribunal fédéral pour définir un mauvais traitement.
En quoi consiste votre travail?
A soutenir le travail du procureur ou de préfet sur le plan juridique, pour qu'une procédure ne se termine pas en queue de poisson. Je les aide à déterminer le préjudice et la sanction.
Que répondez-vous à ceux qui trouvent les animaux mieux protégés que les humains?
Cet argument est ridicule! Le système judiciaire fonctionne bien et tout être humain peut se défendre. Un meurtrier présumé reçoit un avocat commis d'office.
Mais pas une fillette abusée...
C'est épouvantable, évidemment! J'accorde moi aussi la priorité à mes trois enfants. Mais la Loi sur l'aide aux victimes d'infractions (ndlr: entrée en vigueur le 1er septembre 2008) garantit désormais leur défense.
Vous avez des enfants... et des animaux?
Non! Ma situation personnelle ne me le permet pas. Mais on peut aimer les animaux sans en détenir. Si mon fils cadet prend un animal de compagnie quand il aura déménagé, il connaîtra ses devoirs: j'ai aidé à rédiger un livre de 600 pages sur le sujet.
C'est une Bible!
Je n'utiliserais pas ce terme. Ce livre est basé sur la nouvelle législation et je cherche un sponsor pour l'édition française. La Fondation pour l'animal en droit explique la démarche à suivre quand un chat décède ou quand la facture du vétérinaire est trop élevée. C'est de la prévention.
Un canari qui s'ennuie dans sa cage mérite-t-il un avocat?
Ce cas de figure n'est jamais arrivé jusqu'au tribunal. C'est généralement le préfet qui fixe l'amende et pour une première infraction, je demande de la clémence: 100 ou 200 fr. d'amende et faites attention la prochaine fois! C'est la récidive qu'il faut sanctionner.
Qu'est-ce qui vous fait mal au coeur?
Je dois m'en tenir aux faits avec un maximum de précision, sans m'identifier à la victime. Mais certains cas sont tragiques: j'ai vu des vaches qui ne pouvaient plus marcher, leurs onglons n'étant plus taillés, d'autres dont on ne pouvait plus retirer la sangle, la corde étant incrustée dans le cou.
Des chiens battus?
Oui, et contrairement aux apparences, les détenteurs ne sont pas forcément les assistés sociaux que l'on voit dans les gares. J'ai certes été confronté à un toxicomane qui a laissé crever ses chats, mais un autre se privera de manger pour nourrir son chien. Ces animaux ont des contacts sociaux et les frais de vétérinaire sont parfois payés par l'Etat.
Comment déterminer la souffrance d'un animal?
Quand un chien est frappé avec sa laisse sur les yeux ou les testicules, il est facile d'en conclure que c'est douloureux. On trouve des indices en examinant son pelage, ses yeux ou sa posture. Et on demande au plaignant un témoignage précis, sans émotion, pour le confronter à la législation. J'ai aussi accès à la bibliothèque de la fondation (ndlr. www.tierimrecht.org [1]): 7900 livres de droit et d'éthique.
Sur ce seul sujet?
Oui, des livres essentiellement scientifiques. Le plus ancien a été édité à Zurich en 1722: c'est une dissertation de 33 pages sur la question de savoir si un chien souffre quand on lui coupe les oreilles. Le débat ne date pas de 2010...
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